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« Images juives : par-delà la guerre médiatique »

Société

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Raphaël Jerusalmy (i24 news)

Au-delà des affrontements de propagande, l’imagerie juive contemporaine perpétue une tradition visuelle millénaire, témoin d’une identité vivante et résiliente.

Les longs mois de conflit armé faisant suite aux massacres du 7 octobre ont donné lieu à une autre guerre : celle des images. Par-delà son utilisation traditionnelle pour des besoins de propagande, l’image est devenue l’arme d’une cruelle guerre psychologique et le moyen d’envoyer des signaux à l’ennemi. Les scènes de libération d’otages soigneusement mises en scène et filmées par le Hamas sont truffées de provocations, de sous-entendus, de menaces, sans qu’un seul mot ne soit prononcé. Tout est minuté, calculé, souvent truqué, pour obtenir l’image désirée : celle de la victoire ou celle de la force, comme celle qui exprime la haine. Et ainsi, le visuel remplace de plus en plus la parole.

La gestion du visuel comme instrument stratégique est confiée à des experts. Gouvernements et factions terroristes emploient aujourd’hui les services de sociétés privées dont les équipes sont composées de psychologues, sociologues, sémanticiens, informaticiens, cinéastes et photographes. Au sein de Tsahal, plusieurs départements sont dédiés à la guerre psychologique, la guerre des signaux et des messages. L’armée israélienne, auparavant muette, hermétique, est descendue dans l’arène de la lutte médiatique, pour expliquer ses actions et lutter contre la désinformation, mais surtout pour leurrer ou décontenancer l’ennemi.

Les images et symboles dont sont inondés nos écrans de télévision, de téléphone et les réseaux sociaux ont un impact plus profond qu’on ne le croit sur les consciences. Ils pénètrent jusqu’au tréfonds de notre âme. La conscience collective juive en est marquée comme au fer rouge. Nul d’entre nous n’oubliera les images atroces du 7 octobre, les portraits des otages placardés sur les murs, le ruban jaune épinglé au col. Elles viennent s’accrocher à la suite de celles de l’Holocauste, des tatouages sur le bras des déportés, de l’étoile jaune cousue à l’habit. Ces images tragiques, mais aussi de survie, resteront gravées à jamais dans la mémoire de tous les Israéliens et de leurs frères et sœurs de la diaspora.

On a tendance à négliger l’importance de cette dimension visuelle de la vie juive parce que les textes jouent un rôle si prépondérant dans notre tradition. On oublie trop souvent que le peuple du Livre est aussi celui du livre illustré, de la Haggadah et de la Meguilah d’Esther. Il y a toute une imagerie juive que l’on retrouve sur les ketouboth (actes de mariage), les motifs décoratifs des synagogues et des objets de culte, de l’Antiquité à nos jours. En dehors de l’imagerie antisémite, avec ses caricatures, il existe l’image que le Juif a de lui-même.

L’imagerie antisémite se cantonne dans les mêmes stéréotypes, rabâchés depuis des siècles. Elle est figée, coincée. Les caricatures et slogans du Hamas et des manifestants pro-palestiniens sont identiques à ceux des nazis, lesquels remontent en droite ligne à la Russie des pogroms ou à l’Espagne de l’Inquisition, jusqu’à l’ère médiévale des croisades, sans aucun changement. Alors que l’imagerie juive n’a cessé d’évoluer au fil du temps et de l’histoire, des mosaïques et bas-reliefs des débuts du judaïsme aux toiles de Chagall et aux dessins des artistes israéliens contemporains de la BD qui jouissent actuellement d’une renommée mondiale. Cela est tout simplement le reflet d’un peuple dynamique, en devenir tout en maintenant sa tradition, en constante progression, malgré les innombrables embûches qu’il rencontre sur sa route. Certains diront que les difficultés que ce peuple doit surmonter le renforcent. Une chose est certaine, avec le sionisme et la création de l’État d’Israël, l’image que le Juif avait de lui-même, et celle que le monde s’en faisait, ont totalement changé. Celle du kibboutznik en sandales, celle du soldat de Tsahal, et désormais celle de l’otage, de deux petites têtes rousses dans les bras de leur mère, succèdent à d’autres du folklore juif. D’un côté, elles illustrent une précarité qu’on ne croyait plus jamais connaître, surtout en Israël. Mais de l’autre, une fois encore, elles manifestent une incroyable résilience. C’est parce que l’imagerie antisémite puise dans les registres de la haine et de la mort qu’elle est vouée à succomber. Alors que, de l’étoile jaune au ruban jaune, du tatouage de l’horreur sur le bras aux tatouages d’amour et de paix de la jeunesse de Tel-Aviv, un signe visuel demeure, un signe de deux lettres qui résiste à tout : celui du Haï. Celui de la vie.

Contrairement à l’avis général, je ne considère pas que nous ayons perdu la guerre des images. Ce qui circule contre nous est néfaste, dangereux, certes. Et nous luttons contre cela du mieux possible. Le plus important, cependant, est que nous préservions notre propre image de marque. Que nous ne perdions pas de vue l’essentiel de qui nous sommes et de ce que nous représentons. Et donc, à celles de l’héroïsme, de la résilience, de l’audace, il est impératif, aujourd’hui plus que jamais, que nous ajoutions une autre image : celle de l’unité.


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