Un jeton portant une inscription en grec qui servait probablement à acheter des offrandes à l’époque du Second Temple (Par Gavriel FISKE – Times of Israël)
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Publié le 25 avril 2024
Les experts pensent que ces petits artéfacts, découverts dans le cadre du projet de tamisage du mont du Temple, étaient utilisés par les visiteurs pendant les trois pèlerinages, lors des fêtes juives
Un tout petit jeton, datant d’il y a 2000 ans et portant une inscription en grec, avec l’impression d’une cuve de vin, a été retrouvé dans la terre du mont du Temple à Jérusalem. Il était probablement utilisé pendant la période du Second temple, lors des offrandes, selon une annonce qui a été faite la semaine dernière par le Projet de tamisage du mont du Temple.
Il est probable que les pèlerins achetaient des jetons en céramique et qu’ils les échangeaient contre des offrandes pendant les trois pèlerinages traditionnels, une pratique qui est décrite dans la Mishna, rappelle le communiqué de presse qui ajoute toutefois que de nombreuses questions sur l’artéfact restent pour le moment sans réponse. La fête de Pessah, qui commencera lundi soir, était l’un de ces moments de pèlerinage traditionnel, ainsi que Shavouot et Souccot.
« Bien sûr, c’est lié à Pessah ; c’est une période de pèlerinage, avec des fidèles qui amènent leurs offrandes. Ils grimpaient sur le mont du Temple et ils les apportaient, habituellement le premier produit et tous ces autres objets stipulés dans la Torah », explique Zachi Dvira, co-fondateur et directeur du Projet de tamisage du mont du Temple lors d’un entretien téléphonique avec le Times of Israel.
« D’abord, vous avez le sacrifice de Pessah. Les fidèles restaient à Jérusalem pendant toute la fête et pour leurs offrandes privées, ils achetaient des jetons » qu’ils échangeaient ensuite contre divers objets – dans la mesure où il n’était guère pratique, pour les pèlerins, d’amener avec eux toutes les offrandes spécifiques nécessaires, explique Dvira.
Le Projet de tamisage du mont du Temple a été lancé en 2004. Objectif : Passer au tamis les tonnes de débris et de poussière qui avaient été déversées hors de la Vieille Ville de Jérusalem par le waqf jordanien, l’autorité islamique qui a la tutelle religieuse du mont du Temple.
Le jeton en céramique qui continue à intriguer les chercheurs avait été découvert en 2011. Dessus, l’impression d’une jarre de vin, avec six lettres grecques qui, selon certains experts, formaient le mot « Doulês », un nom connu dans la région de la Thrace, en Macédoine et dans certains secteurs
de la mer Morte – des zones qui, à l’époque, comptaient des communautés juives florissantes.
Ce jeton, avec ses inscriptions et sa jarre de vin, est conforme au texte mishnaïque qui régule les offrandes de vin au Temple, explique Dvira. Cette pratique consistant à acheter des jetons et à les échanger contre des jetons est évoquée, par ailleurs, dans une autre section de la Mishna.
Le jeton a « clairement » été fabriqué au premier siècle avant l’ère commune, à l’époque du roi Hérode, en raison « de la forme de la cruche de vin » et de sa ressemblance avec d’autres jetons connus, ajoute Dvira.
« Vous savez, tous les Juifs ne parlaient pas l’hébreu, ils venaient de l’étranger et le grec était une langue internationale, même dans le monde romain » – il est donc possible que le jeton ait été spécialement fabriqué pour les pèlerins hellénophones, note Dvira, qui fait remarquer que le grec était aussi utilisé à des fins administratives sur le mont du Temple.
« Pur aux yeux de Dieu » ?
Le jeton à l’inscription en grec est très similaire à un autre, retrouvé à peu près au même moment, dont l’impression est en araméen – une impression qui, selon les experts, signifie « Pur aux yeux de Dieu » ou qui consiste simplement en une abréviation de la date à laquelle le jeton avait été acheté, peut-être pour éviter la contrefaçon, un problème qui entraînait de fortes inquiétudes à ce moment-là.
Ces deux artéfacts spécifiques, en plus de deux autres qui avaient été découverts dans la Vieille Ville, sont les seuls jetons en argile de ce type à avoir été retrouvés et ils ont fait l’objet d’un article paru en 2023, « Un nouveau type de jetons en argile datant de la période romaine à Jérusalem », qui avait été écrit par le docteur Yoav Farhi, un archéologue israélien spécialisé dans la numismatique – l’étude des pièces et des devises – dans l’Israël antique.
S’exprimant auprès du Times of Israel par téléphone, avant la fête de Pessah, Farhi déclare que ces quatre jetons – même s’ils ont été reliés à d’autres sceaux et jetons similaires qui ont pu être retrouvés à Jérusalem et à travers tous les mondes romain et grec – sont uniques en raison de leur revers étiré et en forme de cône.
« Nous connaissons des centaines de sceaux, jetons et autres bulles en argile datant de la période du Temple. Ici, c’est totalement différent parce que le revers se distingue totalement des autres. Il semble qu’ils n’étaient pas accrochés à des documents » comme c’était le cas des sceaux habituellement, explique Farhi.
Des jetons de différentes sortes « étaient utilisés partout dans le monde romain et dans le monde grec », continue-t-il – de manière similaire aux coupons ou aux tickets en papier qui circulent aujourd’hui, qui sont achetés ou acquis avant d’être échangés contre un objet ou contre un service précis.
« Ils n’avaient pas de papier, ils avaient de l’argile. L’important, c’est ce qui apparaît sur l’argile. Si vous avez le sceau inscrit dessus, alors cela change sa fonction. Ce n’est pas comme une pièce fabriquée en métal qui a sa propre valeur. Ici, l’argile n’a aucune valeur mais dans la mesure où il porte une estampille, cela lui donne de l’importance », poursuit-il.
Il dit qu’à cause de leur forme unique, de la mention mishniaïque des jetons utilisés pour acheter les offrandes et de la découverte de ces jetons à Jérusalem, aux abords du mont du Temple, « je pense qu’ils sont liés au Temple mais nous n’en avons encore aucune preuve… Nous avons plus de questions que de réponses en ce qui concerne ces objets. Qui les a fabriqués ? Dans quel contexte ? Comment étaient-ils utilisés ? Étaient-ils à usage unique ou pouvait-on les utiliser encore et encore ? », s’interroge Farhi.
Il y a très certainement d’autres objets similaires à découvrir mais les avoir trouvés « est essentiellement une question de chance », dit-il. « Nous espérons découvrir plus d’éléments à l’avenir et pouvoir, un jour, apporter des réponses définitives à nos questions ». Dans l’intervalle, assure-t-il, « ce n’est pas un problème de dire que nous n’avons aucune certitude ».
Un kaléidoscope d’ères
Le Projet de tamisage du mont du Temple, au fil des années, a permis de découvrir des milliers de petits artéfacts datant de périodes variées de l’Histoire et a offert un aperçu unique des époques du Premier et du Second temple. La plus grande partie du travail est effectuée par le biais d’un processus de tamisage humide, excessivement laborieux, au cours duquel les débris et la terre sont systématiquement passés à l’eau pour révéler la présence de petits objets qui auraient été négligés le cas échéant – comme cela aurait pu être le cas des jetons d’argile évoqués dans cet article.
Le projet rencontre toutefois « toujours des problèmes de financement », déplore Dvira, et il traverse une crise de liquidités difficile, actuellement, dans la mesure où les donateurs privilégient les projets en lien avec le conflit qui oppose aujourd’hui Israël au groupe terroriste du Hamas.
« Nous rencontrons un gros problème en ce moment… On pourra continuer jusqu’au mois de juin mais après ça, je ne sais pas ce qu’on pourra faire », ajoute Dvira, qui fait remarquer que son organisation a d’ores et déjà dû renvoyer la moitié de ses employés, cette année.