Pourim 2024 (Par R JERUSALMY)
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Publié le 25 mars 2024
La façon dont se déroule le Ramadan défraye la chronique. Beaucoup se préoccupent de l’accès sécurisé des fidèles musulmans à la mosquée d’al-Aqsa afin que le rite ne soit détourné au profit de la violence et du terrorisme.
Ces jours-ci, cependant, une autre fête mérite notre attention. La manière dont elle va être célébrée sera bien plus symptomatique de la situation actuelle que d’éventuelles échauffourées islamistes sur l’esplanade des mosquées.
À quel point la fête de Pourim sera-t-elle entachée par les évènements ? Cette année, les fidèles ne pourront pas se rendre, comme ils le font habituellement par centaines de milliers, sur la tombe de Rabbi Shimon bar Yohaï, en Galilée. Le site sera fermé au public du fait des incessants tirs de missiles du Hezbollah en provenance du Liban. Prières au mont du Temple, oui. Prières au Mont Méron, non. Certains évènements, dont le traditionnel défilé carnavalesque de Holon, sont annulés, eu égard à la guerre et aux massacres du 7 octobre. Alors qu’à Jérusalem la municipalité a pris la décision inverse d’organiser un carnaval malgré tout. Dans les écoles, les professeurs demandent aux élèves d’éviter certains déguisements qui pourraient heurter la sensibilité des familles d’otages et de victimes, ainsi que celle de soldats souffrant de stress post-traumatique.
La fête de Pourim de cette année sera symbolique à plus d’un titre. Elle commémore la manière dont le peuple juif échappe à l’extermination programmée par Haman, vizir de l’empire perse sous le règne du roi Assuérus il y a de cela 2500 ans. À cette occasion, les synagogues s’égaient d’enfants agitant des crécelles qu’ils font résonner chaque fois que le nom de « Haman le méchant » est prononcé durant la lecture de la Meguilat Esther, document chroniquant cet évènement emblématique de la résilience du peuple juif. Ce qui caractérise ce texte, c’est la longue liste des dilemmes auxquels les protagonistes doivent faire face pour assurer leur survie. La reine Esther, mariée au roi de Perse, devrait-elle révéler son identité ? Ou la cacher ? Son oncle Mardochée devrait-il se prosterner devant Haman, le tortionnaire ? Ou bien lui tenir tête. Les Juifs de Perse doivent-ils prendre les armes pour se défendre ? Y a-t-il des limitations à leur droit de combattre ?
La guerre que mène actuellement Israël se caractérise de même. C’est-à-dire par une suite ininterrompue de dilemmes auxquels Israël est confronté. À chaque phase, un nouveau choix difficile, vital, se présente. À commencer par l’objectif même de cette guerre. Qui est double : libérer les otages et démanteler le Hamas. Ces buts ne sont-ils pas contradictoires ?
À moins qu’ils puissent être complémentaires, de par la nécessité d’une pression militaire sur le Hamas pour qu’il libère les otages.
Faut-il accepter une libération partielle, voire au compte-gouttes, de ces otages ? Ou bien exiger que tous, sans exception, soient inclus dans un éventuel accord sur leur sort. Doit-on payer n’importe quel prix pour leur libération ? Ou y a-t-il des conditions inacceptables ? Des lignes rouges. Faut-il assurer une aide humanitaire aux Gazaouis ? Même si celle-ci alimente la guerre et tombe souvent aux mains des terroristes. Doit-on éviter à tout prix des dommages collatéraux ? Au détriment de la sécurité de nos soldats et de la bonne menée des opérations. Hormis les enfants, les civils de Gaza sont-ils vraiment innocents ? N’ont-ils pas soutenu le Hamas et, pour beaucoup, participé ou célébré les massacres du 7 octobre ?
Et la liste continue. Faut-il déclencher une guerre au nord d’Israël, contre le Hezbollah ? Ou se contenter de contenir l’ennemi. Doit-on comparaître devant la Cour internationale de justice ? Ou non. Doit-on accepter le verdict qu’elle prononcera ? Ou l’ignorer. Faut-il mener une commission d’enquête dès à présent ? Faut-il mener de nouvelles élections maintenant ? Ou attendre la fin de la guerre. Et après, faudra-t-il confier le contrôle de Gaza à l’Autorité Palestinienne ? Ou à une nouvelle administration sous l’égide de dirigeants locaux. À moins d’envisager une solution à deux états. Faut-il obtempérer aux exigences de Washington ? Ou bien manifester notre indépendance. En Diaspora, faut-il encourager l’alyiah ? Ou plutôt renforcer les communautés juives. Il n’existe de réponse tranchée à aucune de ces questions.
Une Méguila ou chronique du 7 octobre sera peut-être rédigée un jour. Elle mentionnera « Hamas le méchant », délégué de la tyrannie persane, et énumérera en une longue litanie les défis et dilemmes en dépit desquels le peuple d’Israël assura sa survie. Tout comme au temps de la reine Esther. Pourim, cette année, sera attristé par le deuil. Et illuminé par l’espoir et la résilience, envers et contre tout. Selon la pure tradition juive.
Bonne fête de Pourim à tous !