On efface tout et on recommence (Par Jean-Pierre Braun, LPH Info)
Contributions
Publié le 13 mai 2024
L’Ambassadeur d’Israël auprès des Nations Unis a délivré ce 1er mai un discours accusatoire d’une extrême intensité devant l’Assemblée Générale des Nations Unies à New York. Dans ce discours important, Gilad Erdan a porté des accusations sans fards et a démontré la responsabilité de l’ONU et de certaines de ses agences dans la guerre actuelle, ainsi que les préjudices antisionistes et antisémites de ces organisations qui aggravent et empêchent une résolution humaine de ce conflit. D’une voix prophétique, il a prédit la chute prochaine de ces organisations en ces mots : « Dans le futur, on enseignera la chute (la fin) des Nations Unies. Les étudiants apprendront la faillite morale et l’aveuglement de cette organisation. On leur enseignera que c’est votre indifférence et votre hypocrisie qui ont provoqué la destruction des Nations Unies. »
Après le travail remarquable de Gilad Erdan, on pourrait penser qu’il n’y a rien à ajouter. Au-delà de mon accord complet avec tous ses arguments, il y a des éléments supplémentaires qui doivent être considérés, tant pour expliquer la banqueroute de ces organisations que pour réfléchir à une stratégie pour le futur.
Mon hypothèse de départ : de nombreuses grandes organisations internationales doivent être démantelées, annulées, éliminées. Non seulement ne sont-elles plus utiles, mais elles nuisent ouvertement à la paix et à la justice dans le monde. Notre planète entière traverse une période de crise inédite, avec des menaces de guerres extrêmes sur plusieurs continents, des catastrophes humanitaires (vraies famines, pas comme les famines mensongères de Gaza) dans de très nombreux pays concernant directement plusieurs milliards d’humains, des migrations déstabilisatrices dans le monde entier, et une perte de valeurs morales sans précédent. Et au milieu de tout cela, les organisations internationales dont nous allons parler plus avant restent totalement ineffectives. Pire, par leurs partis pris et leur manque flagrant de neutralité, elles ne font pas partie de la solution, elles font partie du problème.
Un petit retour en arrière s’impose
La Société des Nations (SDN), créée en 1919 au lendemain de la première guerre mondiale s’était donnée pour but la prévention des conflits, le désarmement mondial, et la sécurité collective des nations. Elle ne fit rien de tout cela, et ses échecs successifs engendrèrent les conditions de la deuxième guerre mondiale, entre autres catastrophes ; (les conséquences désastreuses du régime de mandats confiés aux anciennes puissances coloniales par la SDN pour encadrer la décolonisation se font encore sentir aujourd’hui au Moyen-Orient, en Afrique, et en Asie.)
La Cour Pénale de Justice Internationale basée à La Haye fut établie par la SDN en 1922. Sans même attendre la dissolution de la SDN (1949), 50 nations créent l’Organisation des Nations Unies (ONU) en 1945. L’ONU comptera 193 nations en 2023. En plus de son Assemblée Générale, une myriade d’agences, de conseils, de groupes et de sous-groupes se mettent en place au fil des ans avec des objectifs singuliers, souvent en conflit avec les valeurs premières de l’ONU (mais celles-ci jouissent-elles encore d’une quelconque considération ?)
L’ONU elle-même s’est ridiculisée en Bosnie, elle a complètement échoué au Rwanda, et elle a de nouveau montré son inutilité lorsque les Etats Unis ont envahi l’Irak sans son aval. Et les agences et sous-groupes de l’ONU exhibent un comportement et des résultats tout aussi désastreux. Parmi tant d’autres exemples : l’UNWRA ouvertement associée aux pires terroristes depuis la Shoah, l’OMS incapable de gérer les crises du COVID, ou même d’en designer les responsables, le Conseil des Droits de l’Homme, la pire organisation ouvertement antisémite au sein de l’ONU, UNWomen, un groupe qui se consacre (soi-disant) à garantir que “toutes les femmes et les filles vivent une vie exempte de toute forme de violence” et qui n’a pas pris une seule fois la défense des femmes juives gravement maltraitées par le Hamas, la CIJ si désireuse d’entendre des plaintes sans fondement accusant Israël de génocide, etc. etc.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Les principes constitutifs de toute organisation démocratique ont été énoncés dès le 18ème (et début du 19ème) siècle par Alexis de Tocqueville et Emmanuel Kant. Sommairement, pour Tocqueville une organisation démocratique doit être traversée par les impératifs d’égalité et de liberté (1). De son coté, Kant insiste sur un impératif de confiance mutuelle (2). Kant, par exemple, postule qu’un traité signé entre une démocratie et une dictature ne peut pas être crédible, les engagements d’une dictature (ou de toute autre société non démocratique) ne méritant pas confiance. Revenons à l’ONU. La création en 1964 du Groupe des 77 (G77) fut un événement très important dans la vie de l’ONU. Pour la première fois en effet, un groupe apparemment homogène se constitue pour défendre les intérêts particuliers de ce groupe face à la collectivité des nations. Ce groupe des 77 croit rapidement et inclut aujourd’hui 134 pays membres (dont un « pseudo pays », la Palestine). A noter dans les articles de gouvernance du G77, on trouve une règle imposant aux pays du groupe de voter (lors des votes à l’ONU) en faveur de toute résolution proposée par la majorité des G77. 134 votes sur un total de 193 pays à l’ONU, c’est une majorité automatique ! Ce d’autant plus qu’un sous ensemble indépendant des G77 s’est constitué en 1969, Il s’agit de l’organisation de la coopération islamique (OCI), aujourd’hui forte de 57 Etats, tous musulmans bien sûr. L’agenda Islamique prend du coup une importance prépondérante dans les débats et décisions de l’ONU. Un exemple de ce que ces larges groupes d’intérêt peuvent accomplir : en 2019, la Palestine (qui n’a jamais été un Etat, encore moins un Etat membre de l’ONU), est élue Chairman de l’organisation des G77, donc du plus influent groupe d’intérêt au sein de l’ONU. Ces mêmes groupes d’intérêt agissent jour après jour pour avancer leur agenda pro-musulman, sans regard pour le bien-être de la plupart des pays occidentaux. Et bien sûr, leur assaut contre Israël est constant, violent, déstabilisant, et repose sur une fondation de mensonges et de propagande.
De très nombreuses résolutions sont adoptées contre Israël avec le support de cette majorité automatique alors que les horreurs commises par des pays musulmans (Syrie, Irak, Iran, Soudan, etc..) ne font l’objet d’aucune discussion à l’ONU. Le noyautage de l’OCI au sein du G77 active cette majorité automatique pour faire avancer son agenda singulier, sans aucune autre considération.
Nous sommes très loin des impératifs d’égalité, de liberté et de confiance mutuelle chers à Tocqueville et Kant. Les dés sont pipés, le fonctionnement démocratique de l’ONU est totalement corrompu, l’organisation perd toute crédibilité. Comme le dit si justement Gilad Erdan, l’ONU n’est plus un instrument de paix, elle est devenue un obstacle à la paix.
Mais pourquoi les pays dits civilisés (la plupart des pays européens, d’Amérique, un petit nombre de pays d’Asie) laissent-ils faire, pourquoi ne réparent-ils pas un fonctionnement évidemment corrompu pour essayer de préserver le futur de l’ONU ?
Trois arguments se détachent pour expliquer cela : (1) le monde arabe contrôle une très grande partie des ressources énergétiques fossiles de la planète, (2) l’Islam militant, ou plutôt l’islamisme, envahit l’occident chaque jour beaucoup plus et (3) la naïveté coupable du monde occidental fait qu’il est prêt à accepter les mensonges les plus énormes, les plus évidents venant de cette communauté musulmane (l’OLP renonce a la violence, les Palestiniens reconnaissent l’existence d’Israël, « de la rivière a la mer » n’implique pas la disparition d’Israël, et la plus outrageuse : « l’Islam est une religion d’amour, de paix et de tolérance ».)
Dans ces conditions, la prédiction de Gilad Erdan (L’ONU va bientôt s’autodétruire) apparait plutôt comme un voeu pieux que comme une alternative à court terme. Une simple observation de l’actualité nous enseigne que ces nations dites civilisées n’hésitent pas à sacrifier Israël, à renoncer à leur culture et à leur identité, et même à devenir les vassaux du monde islamiste, si cela leur permet (ou à tout le moins leur donne l’illusion) de pouvoir préserver leurs privilèges matériels. Un jour sans doute, bientôt peut-être, certains de ces pays ouvriront leurs yeux et décideront de quitter ces organisations. Les USA de Donald Trump (s’il est élu) seront sans doute les premiers. D’autres suivront, et ces organisations nuisibles pourront enfin disparaitre.
La conception d’une organisation équitable et juste pour remplacer l’ONU prendra du temps et ne bénéficiera sans doute jamais du large consensus des nations de la planète. Mais une chose est sûre : tant que toutes les nations du monde n’auront pas adopté les valeurs de Liberté, Egalité et Respect Mutuel, et tant que l’antisémitisme systémique n’aura pas disparu, aucun système basé sur une majorité simple, ou même qualifiée ne pourra fonctionner. On se dirigera nécessairement vers une organisation plus réduite, composée de pays respectant ces valeurs et avec un mode de fonctionnement qui interdira l’influence particulariste des groupes d’intérêt. Cela est-il possible ? Il faut le souhaiter, et il faut aussi que des hommes et femmes de bonne volonté y réfléchissent avec sincérité et diligence. L’enjeu est de taille : il y va de l’avenir de la planète tout entière.
Un mot pour finir : par ce discours sans concessions prononcé avec force devant un parterre international hostile, Gilad Erdan a démontré qu’il a l’étoffe d’un grand homme d’Etat. A mon humble avis, iI fait partie de ces rares politiciens israéliens qui devraient être considérés pour de très hautes responsabilités politiques dans un avenir proche.
(1) Alexis de Tocqueville : « De la démocratie en Amérique » 1835, 1840
(2) Emmanuel Kant : « Vers la paix perpétuelle – un essai philosophique » 1795
Jean-Pierre Braun a passé sa carrière au coeur de la Hi Tech dans la Silicon Valley (Californie). Jean-Pierre a également été le fondateur et président pendant 20 ans d’une synagogue unique au centre de la Silicon Valley et, à son retour en France, est devenu vice-président du CRIF Rhône Alpes et président de la communauté Rachi à Grenoble. Avec sa femme Annie, ils ont fait leur Aliyah à Jérusalem en 2016.