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Le libre arbitre (Par Jean-Pierre Henry)

Contributions

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Selon des sages, la création du monde est un miracle qui tient moins dans la création elle-même que dans les circonstances qui ont précédé cette création. Effectivement, l’homme n’aurait pu exister dans la plénitude de la lumière divine et il a fallu que Dieu contracte cette lumière pour permettre à l’homme d’exister, ne laissant filtrer sur lui que la juste quantité de lumière nécessaire. Aujourd’hui encore les mondes spirituels supérieurs filtrent la lumière divine comme dans le temple les murs et les tentures séparaient l’homme du Saint des saints.

Si dans les versets de la Bible et pour nous-mêmes bien souvent, Dieu puis l’homme sont en quelque sorte des évidences (on nous en parle sans préalable ni présentation), la création de l’homme et la motivation de cette création sont sources de questions.

Il y a des milliers de réponses à ces questions existentielles. Toutes ont leur pertinence. Tirons alors le fil qui prend sa source dans le verset 27 qui nous dit « Dieu créa l’homme à son image ».

La première réflexion est de dire qu’après le don qu’a fait Dieu en se retirant momentanément pour permettre la création du monde, il fait une nouvelle fois preuve de sa générosité en créant l’homme à son image. Pris au sens premier, ce verset est plutôt flatteur pour l’homme. Nous allons voir que cet attribut de l’homme peut être aussi redoutable que merveilleux.

Mais écoutons Rachi: « L’homme est créé à l’image de Dieu en ce sens qu’il porte en lui une étincelle de l’esprit divin : grâce à cette étincelle l’homme est unique en bas comme Dieu est unique en haut, il est seul en bas à connaÎtre le bien et le mal ». Rachi nous explique donc que chacun d’entre nous recèle une partie de Dieu, une étincelle divine. Cette étincelle c’est son âme, pareille à la lumière d’une lampe que Dieu braquerait sur nous. C’est un véritable fragment du divin venu d’en haut. Voilà ce qu’en dit le Rav Adin Steinsaltz « si le monde entier révèle le divin, seule l’âme peut être considérée comme étant une part de Dieu. Et l’homme, en vertu de son âme divine, possède un peu du potentiel et du pouvoir réel qui n’appartient qu’à Dieu »

Oui, Dieu est partout, et si tous les êtres de la création ont une âme, seule elle de l’homme a cette dimension spirituelle, ce pouvoir. Sur ce pouvoir de l’âme, voilà ce qu’en dit encore le Rav Adin Steinsaltz : « c’est une aptitude à dépasser les limites assignées à son existence, à se mouvoir librement et à choisir d’autres chemins. C’est ce qui rend l’homme capable d’atteindre les hauteurs suprêmes tout comme de tomber au plus profond des enfers. Cette capacité, souvent appelée libre arbitre, n’est en fait rien d’autre que le dévoilement en l’homme de deux forces spécifiquement divines : celle de vouloir et celle de créer».

Extraordinaire : si je résume, nos sages nous expliquent que l’homme est seul capable de discerner le bien et le mal et que par ailleurs seul, il dispose par les attributs de son âme, d’un libre arbitre. On voit là les aspects merveilleux et redoutables que je signalais plus haut. Le libre arbitre ouvrant la porte au meilleur comme au pire.

Et de nous préciser que « c’est seulement dans la relation complexe qui unit l’âme à la fois au monde extérieur et au corps qu’il héberge qu’elle est capable de s’élever à des niveaux bien supérieurs à ceux qu’elle pouvait atteindre en tant qu’essence abstraite ».

C’est-à-dire que fâme, cette pure abstraction, ne trouve son sens, la quintessence de sa destinée, qu’hébergée par un corps humain qui vivra lui-même dans le monde matériel, le monde dit « de l’action ».

Concrètement, cela signifie que l’âme qui nous habite, pure à son arrivée, deviendra ce que nous en ferons par notre comportement, par nos pensées. Soit nous serons capables de la hisser très haut en suivant les enseignements de la Torah, soit au contraire nous la ferons chuter très bas entraînant par la même la destruction du monde.

Nous avons là un des concepts fondamentaux de la mystique juive : l’âme descend dans ce bas monde parce que c’est le seul moyen pour elle de s’élever au-dessus de sa condition originelle.

Le Rav ajoute « C’est un terrible risque pour l’âme que de s’unir à un corps dans le monde matériel. Elle y constitue le seul élément libre non soumis au déterminisme des lois physiques. »

Mon approche sur le pourquoi de notre destiné, n’est pas dénuée d’un a priori. Ce préjugé, c’est la générosité, la bienveillance et la bonté de Dieu à l’égard de l’homme. En ce sens, il me faut vous rapporter quelques mots du Rav Léon Ashkenazi (Manitou) : « l’acte de création a une motivation d’ordre moral (c’est-à-dire inspirée par les plus hautes motivations spirituelles). C’est par un acte d’amour que Dieu a créé l’homme. »

J’aurais sans doute dû commencer par cette citation et m’arrêter là. Tout le reste n’est que digression.


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