La vie « en suspens » des élèves israéliens déplacés par la guerre Par AFP et TIMES OF ISRAEL STAFF
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Publié le 5 juin 2024
Au 24 mai, sur les 48 000 écoliers et étudiants israéliens évacués de la zone frontalière avec le Liban et de la lisière de la bande de Gaza, 28 000 étaient toujours déplacés
« Intrusion hostile » d’un drone, « confrontation directe » sans mise à l’abri possible. A chaque attaque détectée en provenance du Liban, l’application « AlerteRouge » vibre, un rappel lancinant pour Racheli de l’impossible retour dans son école du nord d’Israël qu’elle a dû évacuer.
« C’est le coin le plus dangereux » du pays, sur lequel s’abattent des roquettes Katioucha et missiles antichars du mouvement terroriste chiite libanais Hezbollah pro-Iran, dit l’étudiante de 23 ans, déplacée depuis l’attaque sur le sud d’Israël d’une horde de terroristes palestiniens du Hamas infiltrés depuis la bande de Gaza le 7 octobre et aidés par des civils palestiniens complices.
Cette attaque, qui a entraîné la mort de plus de 1 189 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir de données officielles israéliennes, a déclenché une riposte israélienne dans la bande de Gaza. En soutien au groupe terroriste islamiste palestinien, le Hezbollah frappe quotidiennement Israël depuis le 8 octobre.
Des deux côtés de la frontière, une bande de plusieurs kilomètres est devenue de facto une zone de guerre. Des dizaines de milliers de Libanais et d’Israéliens ont fui la région.
Au 24 mai, sur les 48 000 écoliers et étudiants israéliens évacués de la zone frontalière avec le Liban et de la lisière de la bande de Gaza, 28 000 étaient toujours déplacés, selon le ministère de l’Education.
Racheli n’est jamais retournée à son école de Tel Haï depuis le 7 octobre. L’étudiante en formation d’assistante sociale est logée dans une auberge de jeunesse à Tel-Aviv, loin de la plupart de ses camarades de classe éparpillés dans le pays.
« Traumatisme »
Le manque de matériel a été vite comblé par « l’élan de générosité dans le pays », dit-elle. Mais « la solitude » et « le choc » demeurent.
Les cours ont basculé en ligne et « c’est très compliqué pour moi de suivre. J’écoute le cours mais je n’imprime rien. Quand il a fallu réviser avant les examens à la fin du premier semestre, c’est comme si je n’avais rien étudié, comme si c’était trop pour mon cerveau. Il m’a fallu tout recommencer à zéro », témoigne l’étudiante.
Au début de la guerre, quelque 360 000 réservistes ont été appelés. « Comment étudier quand les soldats, des copains, sont en train de risquer leur vie et meurent ? », s’interroge Racheli en référence aux 291 militaires israéliens tombés depuis le début de l’offensive au sol le 27 octobre.
Comme un autre étudiant interrogé et bénévole comme lui auprès de déplacés pour l’association Kedma, elle dit que tout est « en suspens ».
« C’est très difficile mentalement pour les réservistes de retour de la guerre de revenir à la réalité », commente par ailleurs Shachar qui ne veut pas donner son patronyme. Elle gère des bourses pour Kedma, organisation notamment implantée dans le Nord et qui gère des projets destinés aux 18-25 ans.
« Certains ont été absents (…) six mois, d’autres deux. On a enregistré des cours et préparé des devoirs pour les aider à rattraper le retard du premier semestre mais le second a déjà débuté », explique-t-elle
« Israël est confronté à un traumatisme national qui a des conséquences émotionnelles et mentales sur l’ensemble de la population, y compris sur les enfants et les adolescents », indique à l’AFP le ministère de l’Education, selon qui 8 % des élèves n’assistent pas régulièrement aux cours.
Pour soutenir les étudiants mobilisés, le Parlement a adopté en décembre une loi visant à couvrir les frais universitaires.
Le ministère dit par ailleurs avoir recruté des psychologues scolaires et mis à disposition divers supports pour notamment les étudiants évacués et les « enfants dont les proches ont été assassinés ou kidnappés » le 7 octobre.
« Environ 54 millions de shekels (13,5 millions d’euros) ont été alloués pour apporter une réponse émotionnelle et thérapeutique ».
« Ce n’est clairement pas assez », tranche Shachar.
Un sentiment partagé par d’autres déplacés du nord rencontrés lors d’une manifestation à la mi-mai à Jérusalem où ils sont temporairement logés. Parmi eux, une mère impuissante de voir sa fille aînée, collégienne, « en train de décrocher » parce qu’ « elle n’arrive pas à se concentrer », et une autre, de la localité de Shlomi, qui dit qu’elle « n’en peut plus de vivre » dans une chambre d’hôtel de 15 m2 avec sa famille.
« Les enfants sont perturbés », abonde Amigo Cohen, un manifestant qui travaillait dans une crèche avant l’évacuation : « Combien de temps ça va durer ? »
Mais malgré les tirs du Hamas et du Hezbollah, sorte de guerre d’usure, M. Cohen veut « retrouver son village et les enfants » : Les autorités «m’offriraient une suite au Hilton de Los Angeles que je n’irais pas !»