La “cancel-culture” est-elle une invention juive ? La gauche israélienne et la politique du ressentiment (I). (Par Pierre Lurçat – LPH Info)
Contributions
Publié le 29 avril 2024
Après l’attaque sans précédent de l’Iran contre le territoire israélien et alors que le front Nord se réchauffe, comment comprendre que la “gauche” israélienne (qui n’a évidemment peu à voir aujourd’hui avec les idéaux de la gauche authentique, ses chefs appartenant tous – d’Ehoud Barak à Yaïr Lapid – à ce qu’on appelait jadis en France la “gauche caviar”) ne trouve rien de mieux à faire que de mettre les rues du pays à feu et à sang pour réclamer, comme elle ne cesse de le faire depuis plusieurs années, le départ de “Bibi”? Comment expliquer que cette même gauche, aux moments les plus dramatiques de notre histoire – et jusque dans le ghetto de Varsovie – ait préféré ses intérêts partisans à l’intérêt supérieur de la nation juive ?
En réalité, comme l’avait déjà observé Shmuel Trigano il y a plus de vingt ans, l’identité profonde de la gauche israélienne et juive est une identité du ressentiment. En effet, expliquait-il, “Le camp de la paix a toujours un “mauvais Israël” contre lequel s’affirmer, une exclusion d’autrui à travers laquelle il s’identifie lui-même. Son identité est fondamentalement une identité du ressentiment”. Ce ressentiment, nous l’avons vu à l’oeuvre depuis plus d’un siècle dans l’histoire d’Israël. Quand les portes de l’émigration ont été fermées par l’Angleterre devant les Juifs fuyant le nazisme dans les années 1930, le Yishouv dirigé par la gauche sioniste a interdit aux membres du Betar de recevoir les précieux “certificats”, les condamnant ainsi à une mort certaine.
Avant cela, elle leur avait fermé le marché du travail, la Histadrout exigeant de chaque travailleur juif qu’il détienne le “carnet rouge” (pinkas adom) attestant de son appartenance au “camp des travailleurs”… A la même époque, David Ben Gourion maniait l’insulte envers son principal rival, Zeev Jabotinsky, qu’il qualifiait de “Vladimir Hitler”. Plus tard, Ben Gourion ne désignait jamais Menahem Begin par son nom, s’adressant à lui à la Knesset uniquement comme “le voisin du député Bader”… Ce dernier exemple est particulièrement significatif. Il montre en effet que la “cancel culture” actuelle n’a rien inventé.
Depuis l’assassinat d’Arlosoroff (le 16 juin 1933) et jusqu’à nos jours, la gauche sioniste s’est servie de la violence et des accusations de violence à des fins politiques – pour asseoir et maintenir son hégémonie (l’affaire Arlosoroff est survenue alors que le mouvement sioniste révisionniste était à son apogée) – et elle a constamment accusé ses adversaires, en recourant à la “reductio ad hitlerum”, c’est-à-dire en accusant ses adversaires politiques d’être des “nazis”.
La reductio a hitlerum, dont sont aujourd’hui victimes Israël et ses défenseurs sur la scène publique internationale, est ainsi dans une large mesure une invention de cette gauche juive – sioniste et non sioniste – qui n’a reculé devant aucun procédé, recourant au mensonge et à la calomnie pour “annuler” ses adversaires. Ils ont “annulé” Jabotinsky et Begin, réécrit l’histoire du mouvement sioniste pour effacer la part de ceux qui ne pensaient pas comme eux – sionistes révisionnistes, sionistes religieux, mizrahim ou ‘haredim – et aujourd’hui ils voudraient annuler Netanyahou et la volonté de la majorité des Israéliens…
Ironie de l’histoire, ceux-là même qui ont trouvé des boucs émissaires dans leur propre camp, en accusant de tous les maux leurs adversaires politiques, se trouvent aujourd’hui trahis par leurs anciens “camarades” progressistes, devenus les ennemis jurés d’Israël, et qui sont en train de rendre judenrein les grandes universités, aux Etats-Unis et ailleurs… (à suivre)
Pierre Lurçat
N.B. : Mon livre Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain vient d’être réédité aux éditions B.O.D. et peut désormais être commandé dans toutes les librairies.