Ces jeunes de la diaspora qui se sont sentis appelés suite au 7 octobre et sont venus renforcer Tsahal
Contributions
Publié le 28 novembre 2024
Aviva & Shmuel BAR-AM (Times of Israël)
Âgés de 18 à 23 ans, ils sont nombreux à avoir rejoint le programme Tzofim Garin Tzabar, obtenu de l’aide pour immigrer par leurs propres moyens et rejoindre les rangs de l’armée
Le 7 octobre 2023, le Hamas s’est brutalement attaqué à Israël en envoyant des milliers de terroristes massacrer, torturer et enlever des hommes, des femmes et des enfants dans le sud du pays tout en détruisant des maisons et des communautés entières. Le kibboutz Magen fut l’une de leurs cibles.
Né en Israël mais élevé en Amérique du Sud, Ori se trouvait chez des proches, au kibboutz Magen, près de la bande de Gaza, lorsque le Hamas a attaqué. Il a passé 14 heures dans la pièce sécurisée de Magen (le mamad en hébreu). Sans trop de surprise, Ori, à l’instar d’autres Israéliens vivant à l’étranger mais qui se trouvaient en Israël au moment de l’attaque ont décidé de rejoindre les rangs de l’armée israélienne
Fait peut-être plus surprenant, c’est le nombre de jeunes Juifs bien loin de tout cela, aux quatre coins du monde au moment des faits, qui se sont tout de suite demandés comment faire pour venir combattre au sein de l’armée.
Prenez Arie, par exemple. Né d’un père israélien et d’une mère colombienne, élevé à Miami, en Floride, il s’était toujours senti un lien spécial avec Israël. En apprenant l’attaque lors d’une fête avec sa sœur aînée à l’Université de Californie du Sud, il a appelé l’armée israélienne pour demander comment faire pour s’engager. Arie ne s’est pas laissé décourager par son jeune âge – 17 ans – et l’impossibilité de devancer l’appel, et il s’est immédiatement inscrit au programme Tzofim Garin Tzabar, programme intensif qui comprend l’immigration en Israël et l’enrôlement dans l’armée israélienne.
Le 29 août, près de 300 jeunes adultes juifs originaires de 28 pays ont commencé Tzofim Garin Tzabar, après un examen approfondi de leur candidature et de l’aide pour mener à bien les processus complexes d’immigration et d’enrôlement en Israël. Ils ont assisté à des séminaires préparatoires intensifs, en Israël ou à l’étranger, pour leur donner des informations sur la vie en Israël et le service militaire israélien.
Lors de ces séminaires, on leur a parlé de quatre soldats seuls de Tzofim Garin Tzabar morts lors de cette guerre et de deux membres de Tzofim Garin Tzabar pris en otage – Edan Alexander et Omer Neutra
« Loin de nous l’idée de déprimer les olim et les soldats potentiels », explique Yair Ran-Peled, directeur mondial du programme. « Mais il faut qu’ils soient conscients de la réalité. »
Il souligne que Tzofim Garin Tzabar ne recrute pas lui-même.
« Ils viennent par le bouche à oreille, par l’intermédiaire d’anciens de Tzofim Garin Tzabar, de recherches sur Internet ou après avoir demandé aux consulats israéliens dans leur pays. »
Les participants au programme actuel avaient entre 18 et 23 ans au moment de leur demande. Les deux tiers d’entre eux viennent d’Amérique du Nord, les autres de Thaïlande, du Panama, des Pays-Bas, de Russie ou encore du Portugal. Un certain nombre d’entre eux ont grandi à l’étranger, avec un ou plusieurs parents israéliens.
Garin Tzabar est un programme incroyablement bien organisé qui facilite les procédures parfois complexes d’immigration et d’engagement dans les forces armées. Chaque besoin est satisfait et chaque problème résolu grâce à l’aide d’un groupe de coordinateurs, de travailleurs sociaux de l’armée, d’enseignants et de conseillers. Tous les jeunes interrogés pour les besoins de cet article ont fait l’éloge de l’assistance H24 et 7j/7 de Tzofim Garin Tzabar
Près de la moitié des participants du programme Tzofim Garin Tzabar de cet été se trouvaient en fait déjà en Israël. Ils ont été transférés au centre d’intégration récemment rénové de Raanana et y resteront tout au long de leur service militaire. Les autres, venus de leur pays d’origine, se sont préparés à l’immigration dans des centres ad hoc en Amérique ou en Europe, ou encore via Zoom. Une fois arrivés en Israël, ils ont été envoyés en petits groupes soudés – les « garinim » – dans les kibboutzim du nord et du centre du pays.
Chaque kibboutz a son propre coordinateur auxquels s’ajoutent des soldats, des mères de famille, la communauté du kibboutz et une famille d’accueil bénévole qui tous accompagnent les participants tout au long de son service militaire.
« Les deux garinim du kibboutz sont parfaitement intégrés à la vie du kibboutz », note Michal Furman, coordinateur de Tzofim Garin Tzabar au kibboutz Tzora. « Nos jeunes se trouvaient à l’étranger lorsque la guerre a commencé et cela a réveillé leur identité juive et sioniste. Ils ont voulu défendre le pays : certains viennent à cause de la guerre, d’autres malgré la elle. »
Que ce soit dans un kibboutz ou au centre d’intégration, les 300 participants de Tzofim Garin Tzabar consacrent leurs premiers mois à se préparer de façon intensive au service militaire qui viendra ensuite. Cela passe par cinq heures quotidiennes d’études hébraïques immersives et une formation structurée sur le rôle du soldat. Il y a également des activités sociales, dont des excursions comme celle qui les a tous récemment menés à Jérusalem, où ils sont allés au mur Occidental de la ville sainte, mais aussi dans le centre et au cimetière militaire du mont Herzl.
Noam est né dans le New Jersey, fils de parents israéliens ayant eux-mêmes fait leur dans l’armée israélienne avant de partir s’installer aux États-Unis et qui ont élevé leurs enfants dans les valeurs sionistes. Bien qu’ils ne soient pas religieux, ils ont maintenu les traditions juives comme le dîner du vendredi soir avec les bougies de Shabbat.
Les parents de Noam étaient conscients que leurs enfants pourraient un jour ou l’autre vouloir vivre en Israël ; le frère aîné de Noam a d’ailleurs fait son service militaire en Israël au sein d’une unité de combat et pris part à la guerre entre Israël et le Hamas en qualité de réserviste.
Après le lycée, Noam a décidé de passer un an dans l’un des nombreux programmes préparatoires spéciaux en Israël avec ses amis israélo-américains. C’est pour cette raison qu’il se trouvait lui aussi en Israël le 7 octobre.
« C’était difficile », dit-il. « Ça a tout changé. J’ai entendu parler du programme Garin Tzabar et j’ai immédiatement postulé. Mes parents ont peur mais ils me soutiennent. »
Il apprécie de vivre au centre d’intégration, qu’il appelle « mon kibboutz ».
« Si nous avons besoin de quoi que ce soit, il y a toujours quelqu’un ici pour nous aider en un clin d’œil », dit Noam.
Tzofim Garin Tzabar a été créé par le Mouvement scout israélien en 1991 et, à ce jour, il a permis à plus de 7 000 olim – et nouveaux soldats – de venir en Israël. Cette année, en pleine guerre, le programme a reçu un nombre record de candidatures – 600 au total – dont la moitié ont été acceptées. Les participants forment un groupe impressionnant, intelligent, instruit et très motivé.
La grande majorité d’entre eux pensent rester en Israël après leur service militaire, et 35 % environ de leurs proches devraient eux aussi immigrer à un moment ou à un autre.
Les parents, naturellement extrêmement inquiets de voir leurs enfants servir dans l’armée israélienne en temps de guerre, soutiennent généralement la décision de leur progéniture.
Et si des parents sont venus en Israël en octobre pour ramener leurs enfants avec eux, un certain nombre d’entre eux sont retournés en Israël peu après.
La plupart des nouveaux conscrits, femmes et hommes, occupent des postes de combat lorsque leur profil militaire le permet.
Certaines personnes interrogées espèrent des postes compatibles avec leurs diplômes ou la profession qu’elles comptent exercer. Tous disent que s’ils n’intègrent pas leur unité préférée, ils iront là où on leur dira.
Un petit nombre d’entre eux sont issus de foyers pratiquants et ont été placés ensemble dans un kibboutz religieux, mais la majorité viennent de familles laïques dont les enfants ont étudié dans des écoles juives et respectaient souvent, mais pas toujours, les traditions juives. Tous ceux à qui nous avons parlé étaient déjà venus en Israël au moins une fois avant la guerre.
Ils connaissaient donc le mont Herzl, pour s’y être rendu dans le cadre du programme de préparation militaire ou avec des groupes de jeunes. Cette nouvelle visite a eu beaucoup plus de sens pour ces conscrits que celle de précédents voyages.
Tamar est née et a grandi à New York, fille d’une mère coréenne convertie au judaïsme et d’un père juif américain. Contrairement à sa sœur jumelle, qui ne s’intéresse pas à Israël, Tamar a des amis aux scouts israéliens, a appris l’hébreu et est venue en Israël dans le cadre d’un programme de préparation militaire un peu avant la guerre.
Dans le cadre de ce programme, elle faisait du bénévolat dans une usine de dattes, dans le sud d’Israël, lorsque le Hamas a attaqué.
« C’était bouleversant, tout le monde pleurait, j’étais en panique », confie-t-elle. Mais ses amis et elle ont continué à travailler, ce qui était d’autant plus important que les travailleurs bédouins de l’usine avaient été renvoyés.
Gal a quitté Israël pour suivre sa famille et s’installer en Californie lorsqu’elle avait 10 ans. Mais elle rêvait de vivre en Israël. Elle adore vivre ici et suit un programme de préparation militaire depuis août l’an dernier.
Lorsque le Hamas a envahi le pays, deux mois plus tard, elle se trouvait chez sa grand-mère, dans le centre du pays. Elles étaient terrifiées et sous le choc, dit-elle. Peu de temps après, dans le cadre du programme de préparation militaire, ses camarades et elle ont été envoyés dans des hôpitaux ou des refuges, réquisitionnés pour cueillir des fruits et des légumes. Elle a postulé auprès de Tzofim Garin Tzabar et est ravie d’avoir été acceptée.
Les parents de Zack ne sont pas israéliens : élevé à Atlanta, en Géorgie, Zack n’avait jamais envisagé de partir vivre en Israël. Mais il avait étudié dans une école juive et s’était rendu en Israël à plusieurs reprises avant la guerre, ce qui fait que Zack se sentait une connexion forte avec Israël. Dès le début de la guerre, conscient du besoin urgent de soldats, il a fait acte de candidature auprès de Tzofim Garin Tzabar et entamé le processus d’immigration et d’enrôlement.
« Le mont Herzl a été un rappel à la réalité », dit-il. « Il y avait des familles assises près des tombes, en pleurs. »
« Il y avait tellement de terre fraîche sur les tombes – c’était très cru, bouleversant », poursuit-il, ajoutant que cela l’avait rendu encore plus désireux encore de défendre le pays.
Yuval a grandi à Toronto avec ses parents israéliens. Il n’est pas allé dans une école juive et la famille allait rarement à la synagogue. Il avait pour habitude de souvent se rendre en Israël, mais il n’avait jusque-là pas manifesté l’intention de faire son service. Jusqu’à ce que le Hamas envahisse Israël, le jour où il se trouvait avec une de ses tantes à Tel Aviv. Assis, sous le choc, Yuval a pensé : « C’est comme la Shoah – sauf qu’à l’époque, les Juifs étaient impuissants. Désormais, nous ne le sommes plus. » Et c’est ce qui l’a attiré vers Tzofim Garin Tzabar.
Lorsque son téléphone a annoncé l’attaque du Hamas, Orli dormait dans sa maison en Floride. Elle avait déjà été acceptée par le programme Tzofim Garin Tzabar, mais la nouvelle de la guerre l’a confortée dans sa décision.
« Je suis très heureuse à l’idée de faire mon service, de faire partie de quelque chose de grand et d’aider mon pays. Mon pays, c’est l’Amérique mais je ne ressens pas la même chose que pour Israël. J’ai toujours eu le sentiment d’appartenir à Israël, d’y être chez-moi. Et aujourd’hui, j’ai la possibilité de faire quelque chose », dit-elle.
Orli a trouvé la visite du cimetière du mont Herzl affreusement dure : « Voir ces longues listes de personnes assassinées le 7 octobre et ces tombes récentes. Je me suis dit : ça aurait pu être quelqu’un de mon garin. »
Heureuse de faire son service où elle pourra « passer à l’action », elle apprécie beaucoup la préparation dont elle bénéficie au kibboutz. Et au sein de sa famille d’accueil, elle puise l’espoir.
« Ils ont trois très petits garçons absolument adorables, qui passent leur temps à rire. Cela me rend heureuse de voir que malgré la guerre, il reste un peu de bonheur », conclut-elle.
Aviva Bar-Am est l’auteur de sept guides en anglais sur Israël. Shmuel Bar-Am est un guide touristique agréé qui propose des visites privées et personnalisées en Israël pour les individus, les familles et les petits groupes.