Cérémonie des Justes (Par Jacob Dahan)
Contributions
Publié le 18 août 2023
Mardi 28 juin 2022, une cérémonie des Justes s’est tenue à Aiffres, un petit village près de Niort, en présence du maire Jacques Billy, d’une représentante du Préfet et d’un représentant de Yad Vashem, pour honorer une famille à la demande de Colette Melki de notre communauté. Colette a longtemps oeuvré pour que cette cérémonie vienne mettre à l’honneur une famille de Limoges, la famille Haviland.
Aujourd ‘hui âgée de 84ans, Colette née Cajgfinger était une petite juive d’origine polonaise. Sa famille avait quitté la Pologne en 1924 pour fuir la misère et Colette était née à Metz.
Après un long périple pour fuir l’arrivée des Allemands, sa famille parvient à passer en Zone Libre pour s’installer à Limoges en 1942. Mais peu après la Wehrmacht envahissait Limoges, puis la Gestapo est venue arrêter sa famille au motif de leur judéité.
Colette a pu échapper à cette rafle, recueillie peu avant par des Soeurs grâce à sa maman. Sa mère faisait des courses au moment de cette rafle, et une soeur et un frère étaient également absents. Le père sera arrêté, transféré au Camp de Drancy puis déporté pour Auschwitz par un convoi duquel il put sauter du train en marche avec d’autres. Il doit sa vie à des éclusiers qui le recueillirent et le soignèrent. Sa mère désemparée sera recueillie pour être femme de chambre chez la famille Jean et Marie-louise Haviland, des industriels de la porcelaine. Cette famille au péril de leur vie a réussi à protéger cette maman et une soeur de Colette. Le frère sera envoyé dans une famille de paysans.
Colette dans un discours clair a retracé l’histoire de cette sombre période en rendant hommage à tous ceux qui les avaient protégés, « je suis fière aujourd’hui et j’ai le sentiment d’avoir payé la dette de ma mère, sans eux, ma mère et ma soeur n’auraient pas survécu. C’est pour cela que je voulais qu’ils soient, à titre posthume, décorés de la médaille des Justes. »
A la suite Francois Guguenheim, vice-président du Comité français représentant de Yad Vashem a tenu un discours émouvant pour remercier le courage de cette famille mais aussi pour nous alerter sur ce qui continue, encore aujourd’hui, de menacer les victimes juives de l’islamisme. Il a su élargir son propos sur toutes les victimes de la barbarie des hommes et nous interroger sur notre propre capacité à résister, alerter, défendre et protéger ! « Je crains fort que trois générations plus tard, nous ayons toujours besoin de Justes ».
Ainsi il a pu remettre la médaille et le diplôme des Justes au petit-fils Eric Haviland entouré de sa proche famille.
La cérémonie s’est poursuivie, par l’intervention d’écoliers lisant des poèmes avec l’aide de leurs professeurs, et retraçant ces heures sombres. La présence touchante de ces enfants, leur implication sincère nous aura certes ébranlés d’émotions.
Colette avait invité des membres de notre Communauté et on pouvait voir dans l’assistance Charly Kammoun, Simon Lecain, Lydie Hermann et moi-même.
Une visioprojection a permis de présenter Yad Vachem, sa création en 1953, son action en France, dont plus de 4000 Justes ont été récensés en France. Chaque année, le dimanche suivant le 16 juillet date de la rafle du Vel d’Hiv, la République honore les Justes. Le nom de chaque Juste est gravé sur le mur d’honneur du Jardin des Justes parmi les Nations à Jérusalem, ainsi qu’à Paris sur le mur de I’« allée des Justes parmi les Nations » qui jouxte le Mémorial de la Shoah.
La cérémonie s’est terminée par l’hymne de l’Etat d’Israël puis un moment de partage autour d’un buffet pour féliciter personnellement Colette et cette Famille Haviland.
La Revue « Enfances Juives », préfacée par Serge Klarsfeld, sous la direction de Plas et Kienner avait relaté en 2006 l’histoire complète de la famille Cajgfinger. Colette Melki a eu la gentillesse de me remettre un exemplaire.