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Brève histoire de la communauté juive à La Rochelle et dans sa région (Par Jean-Christophe Vautrin)

Contributions

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Depuis un certain nombre d’années déjà, les chercheurs s’efforcent de reconstituer l’histoire des communautés juives depuis la période ancienne (l’Antiquité) jusqu’à nos jours, quels que soient les espaces géographiques considérés. C’est particulièrement vrai pour le continent européen.
Quelle est alors l’histoire des Juifs à La Rochelle et dans sa région entre Loire et Gironde en France depuis les périodes les plus reculées?

Et par là-même, quels sont les faits marquants de cette histoire qui perdurent dans la mémoire de l’actuelle communauté israélite locale et régionale ?

Il est actuellement impossible d’attester de la présence de Juifs dans la région du Poitou durant l’Antiquité: les éléments archéologiques ne sont pas probants. En revanche, des communautés juives sont bien présentes sur ces territoires durant le bas Moyen Age (après le Xe siècle).

C’est d’ailleurs au cours de cette période qu’est fondée la ville de La Rochelle qui obtient sa charte de commune au XIIe siècle. Une petite communauté juive y vit alors en fonction des règles très strictes imposées par les royaumes chrétiens de cette époque. Soumis directement à l’autorité royale et considérés comme des étrangers, les Juifs ne peuvent vivre et exercer que certains métiers dans des quartiers «réservés» dans les villes où ils sont commerçants et pratiquent l’usure. Parfois, ce quartier juif ne se limite qu’à une rue souvent désignée comme la «rue de la Juiverie». C’est d’ailleurs le cas à La Rochelle où le quartier juif médiéval se trouve alors sur le site de l’actuelle rue Admyrault. Il n’est pas besoin de rappeler que ces communautés sont victimes de persécutions récurrentes: port de la rouelle en France pour les hommes, imposée par LOUIS IX en1269, tandis que les femmes ont l’obligation d’être coiffées d’un chapeau spécial.

De plus et surtout, les Juifs sont régulièrement expulsés des territoires puis ré-autorisés à y revenir en payant des taxes et autres amendes avec confiscation des biens, ce qui permet à la monarchie de «renflouer» régulièrement le «trésor royal». Cette pratique d’expulsion-retour des Juifs dure jusqu’en 1306 au moment où PHILIPPE IV LE BEL impose un Édit définitif d’expulsion des Juifs du royaume de France.

C’est ainsi qu’au XIVe siècle et ce jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, il n’y a plus de Juifs présents à La Rochelle et dans sa région; du moins officiellement… A la fin du Moyen Age, les Juifs sont expulsés de la plupart des royaumes chrétiens occidentaux et même ceux qui se sont convertis au catholicisme comme les «Conversas» d’Espagne et les «Marranes» du Portugal qui sont à leur tour persécutés et doivent donc trouver d’autres refuges, notamment aux Provinces-Unies (actuels Pays-Bas et Belgique) dont le nord du pays est devenu protestant et calviniste et qui viennent de s’émanciper de la couronne espagnole en 1581. Ce pays accueille principalement les réfugiés protestants mais aussi les Juifs.

Le Marrane le plus célèbre qui a transité par La Rochelle avant de rejoindre les Provinces-Unies est un certain Manuel DIAS SOEIRO (1604-1657) qui a pris le nom de Menasseh ou Manassé BEN ISRAËL VAN ROCHELLE. Ce rabbin devient aux Provinces-Unies un grand théologien qui tient alors à marquer son identité rochelaise après le siège de 1628. Il est possible que Menasseh ait fait partie du collège de rabbins qui, en 1656, frappe d’un herem (exclusion, excommunication) le célèbre philosophe qui est aussi un Marrane: Baruch SPINOZA.

Avec la Révolution française, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 qui autorise la liberté des cultes et surtout le Décret du 27 septembre 1791 qui émancipe les Juifs en France et fait d’eux des citoyens à part entière, une petite communauté juive se réinstalle en Charente-Inférieure pour atteindre 70 personnes en 1808 et entre 100 et 150 individus au début du XXe siècle.

Puis, une nouvelle période «s’ouvre» avec la Première Guerre mondiale et ses conséquences présentant une instabilité du continent européen et la montée des totalitarismes et de l’antisémitisme. De nombreux réfugiés viennent s’installer en France dont un grand nombre de Juifs originaires surtout d’Europe centrale et orientale.

Quelques uns s’installent dans l’ouest comme César MIZRAHI qui arrive avec sa famille à La Rochelle en 1938. La situation change brusquement lors de l’entrée en guerre entre la France et l’Allemagne le 3 septembre 1939.

Précisément, le gouvernement français a mis au point depuis 1938 un plan secret d’évacuation des populations des zones frontalières. Ainsi, la Charente-Inférieure est devenue le département d’accueil d’abord de la Meuse puis surtout de la Moselle. Pendant la drôle de guerre, plus de 80000 réfugiés sont installés dans notre département, auxquels viennent s’adjoindre plusieurs milliers d’autres lors de l’exode durant la Bataille de France en mai et juin 1940.

Avec la défaite française de juin 1940, la Charente-Inférieure se retrouve à la fois sous l’occupation militaire allemande et sous l’administration du régime de Vichy. C’est alors le début de la période la plus sombre de l’histoire de la France, tout particulièrement pour les Israélites. En effet, les premières mesures antisémites d’État frappent directement cette communauté dès l’automne 1940 avec la première ordonnance allemande du 27 septembre imposant des mesures contre les Juifs et les lois antisémites de Vichy des 3 et 4 octobre fixant un premier statut des Juifs et des mesures contre les Juifs étrangers.

En conséquence et conformément aux exigences allemandes, c’est l’administration française qui recense les Juifs en zone d’occupation le 18 octobre1940. Ceux-ci sont alors au nombre de 1294 en Charente-Inférieure dont plus de 90% sont des réfugiés étrangers et apatrides. 92 d’entre eux résident alors à La Rochelle. Et, rapidement, les mesures d’exclusion et de persécution s’enchaînent et s’amplifient durant l’occupation, à commencer par l’expulsion massive des Juifs étrangers et apatrides en novembre-décembre 1940:en mai 1941 , il n’y a plus que 359 Juifs en Charente-Maritime dont 54 à La Rochelle. Puis, c’est l’imposition du «J» infamant sur la carte d’identité, I’ «aryanisation économique» et la spoliation des biens juifs dont le magasin «Au fouillis» de César MIZRAHI.

En 1942, le port de l’étoile jaune devient obligatoire et les Juifs sont expulsés de la zone côtière interdite. Et surtout, à partir de1942, c’est le temps des rafles des Juifs qui sont arrêtés puis déportés vers les camps de la mort nazis. En Charente-Maritime, c’est la gendarmerie nationale française qui est chargée des arrestations et des regroupements jusqu’à Paris. Au total, ce sont 183 Juifs de Charente-Maritime qui sont alors arrêtés dans ce département puis déportés directement, notamment vers Auschwitz-Birkenau: du convoi n° 3 du 22 juin 1942 jusqu’au convoi n° 80 D du 23 juillet 1944, la plus grande rafle de la région datant de janvier 1944 où l’école Paul Doumer de La Rochelle sert de camp provisoire d’internement. 56 de tous ces déportés sont des enfants de moins de 18 ans. Seuls quinze de tous ces déportés sont des survivants en 1945 dont deux seulement qui résidaient à La Rochelle: César MIZRAHI et Maurice TATTELBAUM. Il ne faut pas non plus oublier que 23 Juifs sont sauvés en Charente-Maritime par des Justes parmi les Nations à qui il faut également rendre hommage. La tragédie qu’est la Shoah a donc frappé très durement la communauté israélite en Charente-Maritime.

Et c’est à partir des quelques rares survivants que se reconstitue ce groupe après-guerre sur ce territoire qui voit arriver une nouvelle vague de réfugiés, dont de nombreux Juifs lors de la décolonisation de l’Afrique du Nord (Algérie-Maroc-Tunisie). C’est ainsi que la M.C.I. et la Synagogue de La Rochelle voient le jour dans les années 1960. Aujourd’hui, au début du XXlème siècle, la communauté israélite, ne serait-ce qu’à La Rochelle, est estimée à environ 300 personnes.

En conclusion, l’histoire des Juifs à La Rochelle et dans sa région est marquée par la présence d’une communauté relativement modeste qui a cherché en ces lieux un refuge pendant des siècles et ce malgré les persécutions, notamment lors du plus abominable des crimes contre l’humanité : celui du génocide. Et la communauté israélite qui s’est reconstituée aujourd’hui est une mémoire vivante de tout ce passé tragique…


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