Après 44 ans, une affaire terroriste reste impunie
Contributions
Publié le 8 novembre 2024
Shimon Samuels
En 1980, je suis arrivé à Paris pour travailler comme directeur du bureau européen de l’ADL-B’nai B’rith. J’ai été le témoin direct de ce qui allait devenir une série de fusillades et d’attentats terroristes contre des cibles juives et israéliennes à travers la France et l’Europe.
A 18h38 le vendredi 3 octobre 1980, au début du Shabbat et à la veille de Souccot, la vague de terrorisme palestinien a commencé avec l’attaque contre la synagogue Copernic de Paris.
Au coin de la rue Copernic vivait la célèbre journaliste Tamar Golan. J’étais venu lui souhaiter de bonnes vacances. Aliza Shagrir, l’épouse du célèbre cinéaste Micha, venait d’arriver d’Israël pour le week-end. Elle a demandé à Tamar si elle avait besoin de quelque chose pour le dîner. L’hôtesse a répondu : « Peut-être quelques figues. Descends avec Shimon et il te montrera le marchand de fruits en face de la synagogue. »
Nous sommes allés au coin, elle a tourné dans la rue Copernic, j’ai continué tout droit. J’ai entendu la bombe, senti l’onde de choc qui a tué Aliza et trois autres personnes, laissant également 46 blessés à l’intérieur de la synagogue.
Le lendemain matin, le Premier ministre de l’époque, Raymond Barre, a prononcé une déclaration mémorable : « l’attentat odieux qui voulait frapper des Israélites et qui a frappé des Français innocents ».
Au début, le gouvernement a attribué l’attaque aux néonazis. Il leur a fallu de précieux mois pour comprendre qui en était vraiment responsable. Un an plus tard, le président Giscard d’Estaing a déclaré : « J’ai perdu les élections à Copernic ».
Au cours des deux années suivantes, j’ai recensé 73 incidents de ce type de terrorisme antisémite, dont 29 en France. Cela n’a pris fin qu’après l’incursion israélienne de 1982 au Sud-Liban, qui a mis en déroute les terroristes palestiniens et dispersé les Européens en formation dans les camps d’entrainement de l’OLP. De retour chez eux, ils ont ciblé des banques et des installations gouvernementales plutôt que des synagogues, ce qui a provoqué une répression rigoureuse de la part des autorités nationales.
En 1999, les services de renseignements français ont obtenu des preuves désignant les auteurs de l’attentat de Copernic. Parmi ces preuves figurait le nom d’Hassan Diab, un Palestinien né à Beyrouth membre du Front populaire de libération de la Palestine – Opérations spéciales (FPLP-SO), qui aurait assemblé et fait exploser la moto-bombe utilisée en 1980.
Les preuves rapportées, notamment de faux passeports, des analyses d’écriture et des témoignages du FPLP et d’autres associés, glanés auprès des services de renseignements européens et américains, ont conduit à la détention en 2008 et à l’assignation à résidence de Hassan Diab, alors professeur de sociologie à l’université d’Ottawa, au Canada, pendant deux ans. Cela a déclenché une campagne menée par des sympathisants palestiniens affirmant qu’il s’agissait d’une erreur d’identité.
J’ai assisté aux audiences d’extradition de 2010 qui ont dégénéré en manifestations antisémites. J’étais assis dans la salle d’audience, remplie de fans de Diab portant des keffiehs palestiniens, appelant à la destruction d’Israël. Pendant les quatre années qui ont suivi, j’ai plaidé auprès des médias français et canadiens pour son transfert vers un tribunal parisien.
Après plusieurs recours, Diab est arrivé en France où, en février 2015, il a été accusé de « meurtre, tentative de meurtre ; destruction volontaire de biens d’autrui par une substance explosive ou incendiaire en groupe organisé ; crimes liés à des actes individuels ou collectifs visant à perturber gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ».
Finalement, alors que les charges ont été temporairement abandonnées par un juge et que le procureur a ordonné à Diab de rester en France en attendant son appel, il s’est enfui via l’Islande vers le Canada, comme un « voleur dans la nuit », sans papiers ni passeport, mais avec la complicité présumée du personnel de l’ambassade.
Les tribunaux français l’ont reconnu coupable de meurtre par contumace. Depuis, le Canada refuse de le renvoyer en France. Ce terroriste est aujourd’hui professeur de « justice sociale » à l’Université Carleton, à Ottawa.
À l’occasion du sombre anniversaire du 7 octobre 2021, l’organisation internationale Samidoun (Palestinian Prisoner Solidarity Network), basée à Vancouver et désignée par Israël comme une ONG associée au terrorisme en 2021, a célébré le Hamas et le Hezbollah, brûlé des drapeaux et appelé à la mort du Canada, des États-Unis et d’Israël. L’organisation a ensuite confirmé et défendu ces « appels à l’action », affirmant qu’ils reflétaient fidèlement son objectif de « détruire l’État colonialiste et capitaliste du Canada ».
Le 15 octobre 2024, Samidoun a finalement été désignée comme organisation terroriste également par les États-Unis et le Canada. Elle devra peut-être désormais se cacher à Ottawa, sous la protection d’Hassan Diab et d’étudiants radicalisés.
Je suis ravi que la question de la réouverture du dossier d’extradition d’Hassan Diab ait été reprise par B’nai B’rith, l’organisation où j’ai commencé mon travail en Europe. J’espère que les familles des victimes et les survivants pourront un jour trouver la paix. Après 44 ans, la justice est toujours refusée.
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Shimon Samuels est directeur émérite des relations internationales du Centre Simon Wiesenthal