בראשׁית bereshit (par Vera Gandelman)
Contributions
Publié le 20 novembre 2023
Au-delà d’un premier niveau d’interprétation, le Pshat qui s’ouvre à la lecture première, les sages du Talmud se sont interrogés : pourquoi la première lettre de l’alphabet hébraïque n’at-elle pas inauguré le texte de la Torah ? Cette question a fait couler beaucoup d’encre chez les commentateurs. Une réponse possible est que la lettre א/aleph, dont la guematria renvoie au UN de l’unité divine, représente l’infini, l’absolu. Elle est par conséquent impropre à refléter la relativité et l’imperfection de notre monde. Au contraire, la lettre בּ/beth, dont la guematria est 2, répond au principe de dualité, sur lequel est construit la Création, où le bien et le mal se côtoient, voire se mêlent : d’un bien peut surgir un mal, et vice versa.
Suivant ce principe « d’incertitude » se dessine, à un second niveau d’interprétation, le Rémez, la silhouette de l’arbre de « la connaissance du bien et du mal » dans le Gan Eden. L’arbre interdit, consommé par Adam et sa compagne, mêle le bien et le mal. On s’aperçoit déjà combien la traduction de בראשׁית s’avère difficile et que seule la version originale en hébreu permet d’apprécier le texte dans toute sa profondeur.
Comment souligner dans une autre langue la présence du mot ראשׁ /rosh : la tête, au centre du mot בראשׁית , qui rappelle la naissance, le nouveau-né se présentant par la tête ? Or, dans le premier chapitre de la Torah, il s’agit bien d’une naissance ; celle du monde, conçue par la pensée divine : métaphoriquement dans Sa « tête », siège de la sagesse et de l’intelligence. Par ailleurs, le second mot de la Torah ברא /bara, créa, est reconnu dans les premières lettres de בראשׁית . Aussi peut-on en déduire que la création s’effectue en deux temps : la conception dans l’esprit divin suivie de la réalisation.
À l’appui du midrash – le drash étant une méthode herméneutique permettant l’accès à un troisième niveau d’interprétation – il est possible, après avoir éludé dans בראשׁית la préposition ב, de lire « « ראשׁית » les prémices ; et après permutation les lettres : ר/rech et שׁ/shin, de lire alors שׁארית , le reste. Ainsi, avec l’évocation du début ראשׁית et de la fin שׁארית est inscrite, dans le premier mot du premier chapitre, toute l’histoire de l’humanité.